« Je ne me tairai pas, je ne renoncerai pas ! »
Dans un entretien* paru dans la revue du Syndicat National des Psychologues, le Pr. Cyril Tarquinio – enseignant-chercheur et co-responsable du Master de Psychologie Clinique à l’Université de Lorraine – signe une tribune appelant à un sursaut de la profession afin d’engager un renouveau de la discipline.
Le Pr. Cyril Tarquinio dresse un constat sans appel : oui, nous formons des psychologues en France, mais nous les formons mal ou trop peu. Dès l’obtention de leur diplôme, les étudiants sont ainsi livrés à eux-mêmes, avec le double titre de psychologue clinicien et de psychothérapeute et une expérience de terrain réduite à son strict minimum. Tout se passe comme si la formation académique était en mesure de leur donner les compétences nécessaires à l’exercice de cette pratique si complexe. Dans les faits, c’est loin d’être le cas, faute de dispositifs pédagogiques adaptés et peut- être surtout de volonté de réforme. Sans parler de la formation continue quasi-inexistante, contrairement aux étudiants en médecine qui reviennent régulièrement sur les bancs de l’université pour se former aux nouvelles pratiques. « Pour ma part, je suis très inquiet de cette situation. Il est possible, dans notre pays, de devenir psychothérapeute avec une facilité déconcertante » se désole le Pr. Cyril Tarquinio. « J’étais favorable au texte orignal de la loi sur la régulation du titre de psychothérapeute qui prévoyait 400 heures de formation complémentaire. Cela aurait dû s’imposer ! « . La plupart des pays d’Europe se sont déjà engagés sur cette voie mais appliquer ces règles dans l’hexagone objectiverait un scandale sanitaire à cause d’un cursus d’enseignement déjà en mal de temps.
Ce sont bien sûr les patients qui subissent de plein fouet cet état de fait, en les confiant soit à des étudiants non ou mal formés à la psychothérapie, soit à des personnes de formation incertaine, qui se sont empressés de tordre à leur avantage la loi sur la régulation du titre : praticiens, psychopraticiens et autres « psychothérapeutes hors cadre règlementé ». Et cela n’a pas l’air de gêner grand monde !
Alors, quelles solutions ? Selon le Pr. Tarquinio, « il faut proposer à nos étudiants un diplôme de doctorat (2 ou 3 ans après le Master) durant lequel ils apprendront leur métier et confronteront leurs connaissances théoriques à la pratique clinique de terrain« . L’université aurait une double responsabilité : 1) signifier très tôt aux étudiants que l’université et la formation ne se terminent pas une fois le Master en poche, 2) proposer une offre de formation en prise avec la pratique professionnelle et ses nouvelles contraintes. Mais, face à l’inertie du système, ce n’est pas chose aisée. Comme si le monde académique avait renoncé à la psychothérapie, par choix ou sous la pression de quelques courants puissants et intimidants. Mais au-delà de ce triste constat, il revient aux universitaires de se réinventer afin d’offrir un pôle d’enseignement aussi riche que la littérature sur le sujet. Le Centre Pierre Janet, basé à Metz et dont il est le directeur, est une autre piste à explorer : une structure universitaire hybride au carrefour de la recherche, de la formation et de la consultation thérapeutique. « Il faudra du temps pour faire bouger les cadres mais il est possible de les changer ; je ne me tairai pas, je ne renoncerai pas !« .